EXTRAITS < p.25 p.35 p.108 p.115 p.187 p.218 > LES JOIES DE LA SCOLARITE 35 Comme ce pauvre homme était sourd, et notre âge sans pitié, quand un élève levait la main pour demander l'autorisation d'aller aux toilettes, au lieu d'employer la formule rituelle, il disait : "M'sieur, est-ce que je peux aller baiser votre femme ? " Et lorsqu'il lui répondait de sa voix nasillarde : "Non attendez un peu, que votre camarade en revenu ! ", cela déclenchait un fou rire général, dont il ne comprenait pas la raison. Tandis qu'il dictait son cours en marchant entre les rangs, on lui soufflait dans le dos de la poudre à éternuer. Dès qu'il commençait à sentir un picotement, il changeait d'allée et menaçait de consigner les élèves qui troublaient le cours de leurs éternuements. Il devait penser que le coupable serait dans le lot. J'inventais une parade à cette sanction injuste, le masque "anti-sternutatoire", qui consistait à mettre dans les narines un peu de coton effiloché. Cette trouvaille efficace présentait en fait peu d'intérêt, car il suffisait d'aller pendant l'inter-classe prétexter un rhume pour que la sanction fût rapportée. Je ne me souviens que d'un seul de ses cours, une histoire de grenouilles grecques qui donnaient un concert de "Brékékex coax coax ! Brékékex coax coax ! " il postillonnait si bien en grimaçant pour nous dicter cela que c'était inoubliable. Beaucoup plus tard, j'ai retrouvé avec émotion une certaine analogie avec la leçon de grec dans "Amarcord" de Fellini. Les plus méchants avaient un jour imaginé de commander une pièce-montée chez plusieurs pàtissiers de la ville, à livrer à son domicile pour 11 heures ; puis, profitant de ce que nous n'avions pas de cours le matin, les garnements s'étaient cachés non loin de là, pour jouir du spectacle. Sa femme avait seulement accepté avec étonnement le premier gâteau, mais avait refusé énergiquement tous les autres à la fureur des commis. Nous avions pour voisin Lamusse, un artiste peintre, qui vivait mal de son Art en compagnie de sa sœur dévouée et |